Monsieur,

 Au moment du naufrage, j'étais enfant, j'avais 8 ans. Nous étions à La Bernerie, ma famille avait quitté Nantes inquiets de la poussée allemande. Nous habitions la maison de ma grand-mère qui donnait directement sur la plage. La maison existe toujours.

Ce jour de juin, il faisait beau et je jouais sur la plage avec mon frère quand nous avons vu arriver sur la plage avec la marée des petites boulettes noires et poisseuses.

Nous n'avons rien trouvé de mieux que de nous en barbouiller disant que c'était de la confiture.

 Quelle ne fut pas la colère de me mère lorsqu'elle a voulu nous nettoyer. Nous n'avions aucune idée de l'origine de ces boulettes. Je ne souviens pas du tout d'un bruit qui aurait souligné le bombardement du Lancastria.

Le lendemain, lorsque nous nous sommes levés et que nous sommes allés voir la plage, il y avait des cadavres de soldats anglais en uniforme. C'était la première fois de ma vie que je voyais des cadavres.

Il y en avait plusieurs devant la maison. La plage fut rapidement interdite. L'un d'entre eux avait encore son casque si caractéristique de l'armée britannique, cette image est restée gravée dans ma mémoire.

Les vagues éclatant sur la plage ballotaient ces pauvres corps avant qu'ils n'aient été ramassés.

 Je me souviens que ces soldats, une centaine si ma mémoire est bonne, ont été enterrés dans le cimetière de La Bernerie. Je me souviens avoir vu passer le cortège funèbre formés de plusieurs charrettes tirées par des chevaux. Le village état occupé par un détachement d'Allemands.  Le garage de notre maison avait été réquisitionné, l'occupant y logeait des chevaux. Les Allemands ont accompagnés ces morts au cimetière et ils leur ont rendu les honneurs militaires, triste consolation.

 Tels sont mes souvenirs liés à cette catastrophe maritime.

 

Yves Jeannin