Votre livre sur « la tragédie du Lancastria m’a été adressé par un membre de ma famille résidant à Saint-Nazaire et qui savait que j’avais participé avec nombre de nazairiens au sauvetage des rescapés, morts, suite aux bombardements. Ce fût effroyable.

 Je vous félicite d’avoir entrepris une telle rétrospective  avec des éléments à recueillir partout, un vrai travail de "Titan" , beaucoup d'opiniâtreté, vous avez voulu en somme ressusciter cette journée du 17 juin 1940 qui paraissait dans l'oubli. Merci et je souhaite que votre livre vous apporte une récompense.

 J’annonce la couleur j’ai 89 ans passés, mais j’ai soulevé le couvercle du coffre fort de ma mémoire afin de centraliser cette époque.

 Je m'explique :

Je suis arrivée à Saint-Nazaire début 1939 ayant été admise au bloc opératoire de l'hôpital en sortant d'études et pensionnat (5 ans) et ce en qualité d'infirmière auxiliaire afin de conforter mes diplômes et puis, résultat j'ai fait carrière sur place jusqu'au début 1942. Je parlais un anglais hésitant n'ayant jamais été en Angleterre. A cette époque, pas question de quitter la France. Aucun accord avec les parents.

Ceci dit, ce fût pour moi à 18 ans un changement brutal auquel je ne m'y attendais pas. J'étais la "Bécassine au pays des Carabins" . Je travaillais sous les ordres de plusieurs chirurgiens.

 Alors maintenant j'aborde les bombardements à Saint-Nazaire auxquels j'ai participé dans le cadre de mes modestes fonctions afin de recueillir les blessés, morts et des civils, bien évidement j'étais un "pion" parmi tant de secouristes et de professionnels bénévoles.

 Cependant la journée du 17 juin 1940 reste indélébile en ma mémoire, nous avons été réquisitionnés pour aider, essayer de sauver ces milliers de soldats anglais, canadiens, on marchait dans le mazout, j'étais à bord après le bombardement lorsque les navires sont revenus du large et …. Ces hommes jeunes ou plus âgés hurlaient de douleurs, certains (peu) ont été transférés à l'hôpital mais je ne peux pas dire vers quelle destination sont-ils partis! Ils appelaient leurs mères, me tenaient les mains et voulaient que je parte avec eux, sur quels bateaux ? je ne me rappelle pas d'une telle cohue, des nazairiens étaient là, tous nous avons fait le maxi. Il était quasiment impossible de soigner ces jeunes soldats, on enlevait les vêtements mais la peau restait collée au tissu.

 J'ai regretté toute ma vie de n'être par partie avec eux, mais ma jeunesse et aussi la frayeur de l'abandon de ma famille et puis me trouver ainsi dans l'hécatombe, voir ces mourants je n'étais pas préparée du tout à de tels drames sortant d'un milieu feutré. Vous avez bien décrit ces moments tragiques que je ne vais pas étendre sur les circonstances dramatiques de cette journée sinon que le sifflement strident des "stukas' faisait frissonner de peur tous les sauveteurs et militaires.

Beaucoup de souvenirs se bousculent en ma mémoire et à chaque déplacement sur Saint-Nazaire je me demandais pourquoi le 'tragédie du Lancastria était tombé dans l'oubli, en lisant votre livre, j'ai compris.

 

 

Mme Deschamps en juin 1940

 

 

Moi même avec Mme Deschamps

17 juin 2008

Remise de la médaille Lancastria par M Mark Hirst